État d’urgence de dix jours, « les fêtes en otage »?
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État d’urgence de dix jours, « les fêtes en otage »?

Le gouvernement vient de décréter un état d’urgence de dix jours qui a pris effet ce matin à 00h. La décision a été prise hier lors d’un conseil des ministres extraordinaire. Toutefois, le gouvernement n’a pas pour le moment donné plus de détails sur le contenu de cet état d’urgence.

Alors que cette décision intervient à un moment où beaucoup de rassemblements sont prévus en cette fin d’année notamment le Maouloud prévu le 24 décembre, la fête de Noël le 25 et le saint sylvestre le 31 décembre.

Pour certains responsables de la communauté musulmane, « il n’est pas question de renoncer à la célébration du Maouloud ». Selon eux , « l’état d’urgence n’a rien à voir avec la célébration de la naissance du prophète, sinon le gouvernement leur aurait informé des dispositions à prendre ».
Mohamed Maki Bah est le président de l’Union des Jeunes musulmans du Mali. Il est joint au téléphone par Ayouba Sow :
« C’est la politique nationale, mais ça ne concerne pas le Maouloud. Si ça concerne le Maouloud, comme les années passées l’état nous convoque. On fait des réunions, on tombe sur un trait d’entente et une méthode de travail. Mais cette année ça ne s’est pas passé comme ça. Et, le Maouloud est pour demain. Tout le monde est prêt. Les gens viennent d’un peu partout dans le monde. Dans les régions aussi il y a des mouvements de préparation un peu partout. On n’est pas informé, donc ça ne concerne pas le Maouloud ».
Vous allez donc célébrer le Maouloud cette année ?
« Oui ! Mais nous sommes dans un état, si ça concerne le Maouloud l’état doit nous informer obligatoirement. Ce n’est pas la première fois. On connaît l’état d’urgence. Depuis 2012 jusqu’à maintenant il y a souvent des états d’urgence. S’il y a des états d’urgence qui touchent les célébrations religieuses, on sait comment coordonner avec l’état. L’état nous a toujours informé, nous a toujours respecté, nous a toujours saisi. Nous sommes dans une situation exceptionnelle. Il y a l’insécurité un peu partout. Mais ce qu’on dit, il ne faut pas céder à la panique. Les gens doivent travailler avec des mesures de prudence et c’est tout ».

Pour les catholiques cette décision d’état d’urgence prise par le gouvernement est dans l’intérêt de la nation malienne. Cependant, ils estiment que cela ne changera rien sur le déroulement des événements prévus pour la célébration de Noël. L’abbé Jean Marie Traoré de la paroisse catholique de Badalabougou au micro de Imirana Kilou Maiga :
« Nous ne comprenons pas cela autrement que seulement dans le sens du bien. Quand il y a état d’urgence, ça veut dire qu’il y a un problème que le gouvernement veut chercher à résoudre en essayant de démasquer les personnes qui veulent nager dans l’eau trouble. Une nation comme celle du Mali qui vit tranquillement sa foi, sa foi musulmane, sa foi catholique, pourquoi voulez-vous lui poser de faux problèmes. Donc ce que le gouvernement a fait nous, nous le cautionnons, nous sommes d’accord avec ça pour qu’on est le temps et la latitude de démasquer ces gens et qu’ils nous foutent la paix. Chez nous les catholiques ça ne change rien et ça ne doit rien changer ».
Donc les événements de Noël se tiendront comme prévu ?
« A moins qu’il y ait un avis contraire de notre chef hiérarchique. Sinon s’il n’y a pas d’avis contraire, tout est prévu comme ça. Moi je n’ai pas grand-chose à dire aux chrétiens que de rester ferme dans leur foi ».

Certains observateurs estiment que cet état d’urgence permet au gouvernement de prendre certaines dispositions sécuritaires sans passer par les procédures judiciaires. Selon eux, « il est quasiment impossible pour les autorités du pays d’interdire les fêtes religieuses ».
Souleymane Drabo est éditorialiste. Il est au micro de Ayouba Sow :
« Je pense que c’est pour des mesures de sécurité. Le gouvernement doit se donner les moyens de réagir le cas échéant contre des troubles à la sécurité des personnes et des biens. Le gouvernement a le devoir aujourd’hui de donner un contenu à l’état d’urgence qui vient d’être décrété. Parce que je pense que c’est quasiment impossible pour le gouvernement d’empêcher les communautés chrétiennes et musulmanes de fêter aussi bien le Maouloud que Noël. Je pense aussi que ça va être quasiment impossible d’empêcher les gens de fêter le 31 décembre. Moi, à mon avis, l’état d’urgence a été décrété juste pour donner les moyens au gouvernement de réagir en cas de violence. Les moyens de réagir par des perquisitions et des arrestations sans passer par des procédures judiciaires, en prenant des procédures d’exception. Je pense que c’est le principe de précaution qui a poussé le gouvernement à prendre cette mesure ».