CPI : Ahmad Al Faqi Al Mahdi demande pardon au peuple malien
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CPI : Ahmad Al Faqi Al Mahdi demande pardon au peuple malien

Le procès du présumé jihadiste malien Ahmad Al Faqi Al Mahdi s’est ouvert aujourd’hui à la CPI. Il est poursuivi par la Cour Pénale Internationale pour la destruction d’une dizaine de Mausolées et d’édifices religieux à Tombouctou entre juin et juillet 2012 pendant l’occupation jihadiste. A l’ouverture de l’audience de ce matin, l’accusé a plaidé coupable et a dit « regretter profondément » son acte. Il a également demandé « pardon aux populations de Tombouctou et du Mali pour le préjudice causé ».

Le bureau du procureur de la Cour pénale internationale reproche à Ahmad Al Faqi Al Mahdi d’avoir pris « une part active » dans la destruction de Mausolées et édifices religieux de Tombouctou. Selon l’accusation, il s’agit de « crime de guerre » conformément au statut de Rome. Ahmad Al Faqi, plus connu sous le nom de guerre d ‘ « Abou Tourab », était l’un des chefs d’Ançardine à Tombouctou pendant l’occupation, et membre de la Hezba, « la brigade des mœurs ».

Pour Mme le procureur de la CPI, Al Faqi est « pénalement responsable » de la destruction des dits Mausolées. Selon l’accusation, « ces Mausolées occupent une place essentielle dans la vie des populations de Tombouctou ».

Le procès qui s’est ouvert ce lundi est « historique », selon Mme Fatou Bensouda. Car pour la première fois depuis sa création, la CPI se penche sur une affaire de présumé jihadiste.

Prenant la parole, l’accusé a plaidé coupable. Abou Tourab reconnaît les charges énumérées contre lui par le Bureau du procureur. Dans une déclaration qu’il a sollicitée auprès de la Cour, Ahmad Al Faqi a demandé « pardon » aux personnes auxquelles il a causé du tort, notamment aux populations de Tombouctou et du Mali. Pour le présumé jihadiste malien, les actes posés pendant l’occupation ont été commis « sous la pression de leaders jihadistes » aux ordres desquels il était soumis aux. Ahmad Al Faqi se dit « prêt à se soumettre à la sanction de la Cour ».

Selon les responsables des associations des victimes de Tombouctou ce pardon d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi est difficilement accepté par la population, au regard de toutes les souffrances qu’il a causé. Pour le coordinateur régional des associations des victimes de Tombouctou, c’est un pardon juridique auquel la population ne s’attendait pas. Abdoulaye Touré est joint par Assetou Kanté :

« C’est un événement tant attendu par toutes les populations de Tombouctou qui ont connu un beau matin du vendredi où ce monsieur a commencé à détruire l’âme même des Tombouctiens qui est les mausolées. Pour le pardon, je dirais plutôt que peut être qu’ils pardonnent. C’est vrai, c’est un pardon. Mais moi je trouve que le pardon, il n’est pas dans son contexte, ni au moment, ni à la façon. On s’attend peut-être que ça soit vraiment un pardon de façon orthodoxe. C’est vrai on doit pardonner en tant que musulman, mais bon, c’est un pardon juridique. C’est un pardon devant la CPI, ce n’est pas le pardon que nous on attendait. Peut- être pour certains ou pour d’autres, sinon dans la globalité ce pardon est difficilement accepté, pour qui sait comment nous avons vécu cet événement. Aussi je vais vous dire d’autres choses, en réalité il est au centre d’autres procédures, d’autres accusations qui n’ont pas encore été touchées par la CPI« .

Pour les responsables de la Mission culturelle de Tombouctou, la demande de pardon d’Ahmad Al Faqi à l’ouverture de son procès doit d’être acceptée sur le plan religieux. Toutefois, ils estiment que la justice devrait faire de ce procès un exemple afin d’éviter que d’autres cas ne se reproduisent et de permettre une réconciliation entre toutes les communautés. Al Boukhari Ben Essayouti est le chef de la Mission Culturelle de Tombouctou. Il est joint au téléphone par Moumine Sindébou :

 » Vu que la destruction des mausolées est une querelle dogmatique entre deux courants de l’Islam. C’est donc religieux. En matière de religion quelle soit chrétienne ou musulmane quand on présente ses excuses on doit l’accepter. Si Mohamed Al Faqi qui est donc musulman, qui fait amende honorable, présente ses excuses, les populations n’ont d’autre choix que de l’accepter. Maintenant quelle répercussion cela a au niveau de la Cour, on ne sait pas. La justice c’est la justice. S’il y a des gens qui ont été coupables d’actes répréhensibles, ils doivent rendre compte. On a espoir que cela puisse servir d’exemple parce que le procès aussi c’est çà. Il est didactique et pédagogique. Juger quelqu’un ce n’est pas seulement pour punir le coupable, il faut aussi que ça serve d’exemple. Donc que le jugement d’Al Faqi puisse permettre à toutes les communautés de se réconcilier « .

L’association malienne des Droits de l’Homme (AMDH) trouve anormal qu’Ahmad Al Faqi Al Mahdi plaide coupable alors qu’elle le soupçonne de ne pas être sincère. Selon elle, il est nécessaire d’élargir les accusations contre lui. Amadou Bocar Tékété est le Vice-président de l’AMDH. Il est joint par Assetou Kanté.

« J’ai écouté son avocat qui disait qu’il plaide coupable, mais ce n’est pas un ressenti. Parce-que quand on veut demander pardon à un peuple certainement il peut le faire, ce n’est pas en disant comme ça. Et si je tiens compte de ce qu’a dit le procureur Bensouda, c’est l’auteur d’un crime qui accepte l’âme et l’esprit de tout un peuple ! Cela est vrai. Comment il peut demander pardon au peuple alors que son avocat pense qu’il plaide coupable mais ce n’est pas un ressenti cela pose problème ».

Vous aviez demandé que ces accusations soient élargies, est-ce que vous maintenez cette position ?

« Oui nous maintenons la position que l’accusation soit élargie parce qu’il y a effectivement des femmes qui ont été violées, des filles qui ont été violées, il y a des gens qui ont été amputés. Donc il n’y a pas que les mausolées. Donc effectivement nous maintenons qu’on puisse élargir ces accusations. Je souhaite qu’il y ait la correction parce qu’il a fauté« .