CPI : les charges retenues contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi présentées aujourd’hui
Fatou Ben Souda, procureure de la CPI (Crédit AFP)

CPI : les charges retenues contre Ahmad Al Faqi Al Mahdi présentées aujourd’hui

L’audience de confirmation des charges contre l’ex chef d’Ançardine a débuté ce matin à la Cour Pénale Internationale. La CPI soupçonne Ahmad Al Faqi Al Mahdi d’avoir « activement participé » à la destruction des Mausolées de Tombouctou pendant l’occupation des villes du Nord. C’est la première fois que la CPI se penche sur un dossier de présumé jihadiste.

Cette audience de confirmation des charges doit s’étendre sur deux jours, et se présente en deux volets. Après les remarques d’introduction du juge président de la Cour, la journée de ce mardi 1er mars a été consacrée à la présentation des éléments du Bureau du Procureur. Cette présentation a duré cinq heures. Elle prendra fin demain. Puis interviendra dans la journée de mercredi, la réponse de la défense. Al Faqi et ses avocats devraient apporter des éléments pour contrer les charges du procureur.

Ahmad Al Faqi Al Mahdi est accusé par la CPI d’avoir « joué un rôle majeur » dans la destruction des Mausolées de Tombouctou. Plus connu sous le nom de « Abou Tourab », Ahmad Al Faqi est présenté comme ancien chef du groupe jihadiste Ançard-Dine.

Ce procès est donc très attendu par les familles des victimes de Tombouctou, mais également par les professionnels du droit international. Car, c’est la première fois que la CPI se penche sur un dossier de présumé terroriste depuis sa création.

Les poursuites contre Ahmad Al Faqi font suite à la demande des autorités maliennes auprès de la CPI d’enquêter sur les cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis par les groupes armés au Nord du pays.

Les organisations de défense des Droits de l’homme se mobilisent pour qu’Ahmad Al Faqi Al Mahdi soit jugé pour tous les crimes qu’il a commis. A la veille de l’ouverture de l’audience de confirmation des charges de Abou Tourab devant la CPI, la FIDH, l’AMDH et WILDAF-Mali ont présenté les faits qui lui sont reprochés en sept questions -réponses. Dans cette note, ces ONG expliquent aussi le déroulement de la procédure.
Amadou Boubacar Tékété est le secrétaire général de l’AMDH. Il est joint au téléphone par Mouhamadou Touré :
« Durant l’audience de confirmation des charges, les trois juges de la chambre préliminaire attendront la présentation par le bureau du procureur des charges à l’encontre du suspect. Ainsi que les déclarations de la défense et le cas échéant des victimes. À l’issue de cette audience les juges devront déterminer s’il existe des preuves suffisantes donnant des motifs substantiels de croire que la personne a commis chacun des crimes qui lui sont imputés. L’audience de confirmation des charges n’est pas un procès.
L’audience de confirmation des charges s’ouvre le 1er mars c’est à dire aujourd’hui devant la chambre préliminaire numéro 1 de la CPI. La chambre préliminaire va déterminer s’il peut être tenu pénalement responsable, s’il a commis, facilité ou aussi participé à la commission du crime de guerre. Après l’audience de confirmation les charges de la chambre préliminaire 1 aura 60 jours pour rendre sa décision et confirmer ou non toutes les charges qui sont impliqués à Al Faqi. Si les charges sont confirmées une date provisoire pour l’ouverture le procès sera fixée ».
La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a donc présenté aujourd’hui ses éléments à charge contre Ahmad Al Faqi. Le bureau du procureur pense détenir suffisamment de preuves pour maintenir l’ex chef d’Ançar-Dine dans les liens de l’accusation. Selon le bureau du procureur, « les actes posés par Ahmad Al Faqi à Tombouctou sont contraires au statut de Rome et passibles de crimes contre l’humanité ».

Fatou Bensouda au micro de notre envoyé spécial à La Haye, Issa Fakaba Sissoko : « Depuis le mois d’avril 2012, en bon vouloir des groupes armés (Ançar dine et Al-qaïda au Magreb Islamique), la population s’est réveillée au matin du 30 juin 2012 pour constater avec consternation qu’une attaque avait été lancée par ces groupes. Ces attaques étaient menées pour détruire ce qui constituait leur patrimoine historique et occupait une place centrale dans leur vie. Les destructions en cause dans cette affaire ont duré environ deux semaines, jusque vers le 11 juillet 2012. En seulement une dizaine de jours, dix bâtiments ont été attaqués et simplement détruits. Ils s’agissaient d’édifices emblématiques. Ils faisaient partie des monuments les plus connus de Tombouctou. Ils étaient pour la plupart d’entre eux classés par le droit international malien. Ils étaient aussi, sauf un, protégés par l’UNESCO comme sites de patrimoine mondial. Hélas à l’époque, rien n’a été possible pour stopper la fureur destructrice des groupes armés. Et à l’époque, rien n’a également été possible pour épargner ces édifices dont la valeur était immense ».
Pour certains notables de Tombouctou, « ce procès d’Al Faqi rentre dans le cadre d’une bonne logique de justice ». Selon eux, les crimes qu’Abou Tourab a commis ne doivent pas rester impunis. Cependant, ils demandent aussi que « tout ceux qui sont impliqués dans cette situation soient également jugés et punis ». Sane Chirfi Haïdara notable de Tombouctou est joint au téléphone par Mouhamadou Touré :
« Nous sommes dans une bonne logique de justice parce que tant que des événements de ce genre ne sont pas sanctionnés tant qu’il y a cette logique d’impunité, il y a toujours des risques. Donc si vraiment on arrive à tenir ce procès dans les normes je crois que ça pourra dissuader ceux qui voudront aller dans le même sens. Nous espérons tout simplement que tous ceux qui sont impliqués puissent rendre des comptes. Il ne faut pas que ça soit un seul élément pour que ça soit un truc symbolique. Mais il faudrait que la CPI puisse aller jusqu’au bout de sa logique et que tous ceux qui ont commis des crimes de quelque genre que ce soit puissent répondre de leurs actes. Je ne sais pas de quelle charge il dispose mais simplement il me semble que des témoignages importants quand même ont été signalés. La cour doit être suffisamment informée pour pouvoir condamner. Les mausolées sont dans les mêmes dispositions qu’avant la destruction. Même au niveau des constructions ils n’ont pas changé de matériaux bon ça c’est parce que c’est classé patrimoine mondial donc c’est les mêmes matériaux périssable et il n’y a aucun dispositif en tout cas visible pour assurer la sécurité ».