Des ex-rebelles font leur entrée dans le nouveau gouvernement
Cité administrative de Bamako (crédit AFP)

Des ex-rebelles font leur entrée dans le nouveau gouvernement

Annoncée depuis quelques jours, la liste du nouveau gouvernement a été rendue publique hier soir. Modibo Keïta est confirmé dans ses fonctions de Premier ministre. Composé de 34 membres, contre 32 dans la précédente équipe, le nouveau gouvernement enregistre l’arrivée des membres des groupes armés, notamment Nina Walett Intallou de la CMA. 7 ministres sont remerciés tandis que 9 nouveaux visages font leur entrée.

La nouvelle équipe gouvernementale formée par le Premier ministre compte 9 entrants et 7 sortants pour un total de 34 membres. La loi sur le genre a été légèrement mieux prise en compte. Huit départements sont confiés à des femmes contre 6 préalablement.
Parmi les entrants on note Me Mamadou Ismaël Konaté au ministère de la justice, l’ancien opposant Amadou Koïta au ministère de la jeunesse, le président de L’Adema PASJ Pr Tiémoko Sangaré aux mines, Malick Alhousseini du Coren à l’énergie et à l’eau et Mme Keïta Aïda M’Bo au ministère de l’environnement.
Les groupes armés signataires de l’accord ont aussi intégré la nouvelle formation ministérielle. Nina Welett Intallou de la CMA prend la responsabilité du département de l’artisanat et du tourisme, tandis que Mohamed El Moctar de la Plateforme obtient la réconciliation nationale.
La présence attendue des groupes armés s’inscrit dans le cadre de l’instauration des mesures de confiance entre les parties après la signature de l’accord.
Le département de Me Mountaga Tall, l’enseignement supérieur a été fusionné à la recherche scientifique du Pr Assétou Founè Samaké. Me Mountage Tall occupe désormais le ministère de la communication, porte-parole du gouvernement.
Les départements clés du gouvernement n’ont pas changé de locataire à savoir l’administration territoriale, les affaires étrangères, la défense, la sécurité ainsi que l’économie et les finances.
L’opposition dit prendre acte de la composition du nouveau gouvernement. Mais elle regrette le nombre trop élevé de la nouvelle équipe. Avec la mise en place de ce gouvernement, l’opposition souhaite « rapidement le retour des services de base et de l’administration dans les régions du Nord ».
Seydou Diawara est président du groupe parlementaire d’opposition VRD. Il a été joint par Alhousseini Abba Touré :
« Nous n’avons pas de réaction particulière sauf que nous constatons que c’est un énième réajustement sans trop grande vision par rapport à l’accomplissement des missions du gouvernement. Nous notons que la taille augmente alors qu’elle puisse être réduite, pour mieux recentrer les missions. L’opposition n’a pas d’attente particulière en dehors d’une bonne gestion des affaires de la République. Je crois que cela est l’attente de tout le Mali. Après la composition du nouveau gouvernement, tout le monde s’attend à ce qu’il y ait une amélioration des conditions de vie au Mali; qu’il y ait plus de paix et de tranquillité, que la sécurité des personnes et des biens soit assurée sur l’ensemble du territoire national, que l’administration soit sur l’ensemble du territoire pour apporter le minimum de services sociaux de base à toutes les populations du Mali ».
La Coordination des mouvements armés, la CMA, dit ne pas avoir été « consultée pour la formation du nouveau gouvernement. Cela, malgré la présence de Nina wallet et de Mohamed Aly Ag Ibrahim« . Pour la CMA, ces personnes ne sont pas dans le gouvernement au nom des groupes armés.
Almou Ag Mohamed, porte-parole de la CMA, joint par Oumar Waïgalo :
« Notre réaction c’est qu’on a été surpris de voir un remaniement arriver comme ça. Nous n’étions pas vraiment au courant de ce remaniement, mais pour nous c’est un gouvernement comme le précédent.
Et pourtant on remarque l’arrivée des membres de la CMA…».
« Oui, je persiste que malgré la présence de notre camarade Nina Wallet Intallou au sein de ce gouvernement, la CMA n’a pas officiellement désigné de représentant au sein de ce gouvernement et n’a pas été concerté de façon officielle pour faire partie de ce gouvernement. Mohamed Ali Ag Ibrahim, quant à lui, est un jeune cadre touareg qui est à Bamako, fonctionnaire de l’Etat malien, il n’est ni de la CMA ni de la plateforme ».
Pour certains observateurs, la configuration du nouveau gouvernement n’indique pas de changement de cap. Ils regrettent son caractère pléthorique et le retour de certains caciques des régimes précédents.
Professeur Issa N’diaye est philosophe, chargé de cours à l’Université de Bamako. Il est joint par Ibrahima H. Diallo :
« Je ne pense pas qu’il y ait un changement significatif. Le gouvernement dans sa grande majorité reste le même. Je constate simplement qu’il y a eu de nouveaux entrants, certainement pour récompenser ceux qui ont un peu haussé le ton ces temps-ci. Je ne pense pas que ça puisse changer quoi que ce soit. Ce ne sont pas des gens qui ont un poids politique assez significatif pour donner, imprimer un autre rythme au gouvernement actuel. Je pense qu’il reste fondamentalement le même et garde le même cap. Il n’y a pas de changement de politique, il n’y a que changement des idées ».
En quoi cette configuration peut-elle aider le processus de paix en cours ?
« Ce n’est d’ailleurs pas fait pour cela. Il s’agissait, essentiellement, peut-être de faire partir quelques-uns, les moins décriés ces temps-ci et de faire rentrer d’autres qui se sont signalés à l’attention du président. Je pense que c’est tout. A mon avis ça n’a aucun rapport avec la suite des accords d’Alger ».
Pour d’autres observateurs, « la tâche » de la nouvelle équipe gouvernementale « s’annonce difficile« . Les nouveaux membres du gouvernement vont être confrontés à plusieurs défis dont la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire et l’organisation d’élections communales dans les brefs délais. Pour ces observateurs, l’entrée au gouvernement des représentants de groupes armés « peut aider à accélérer » le processus de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation.
Pr. Mamadou Samaké est chargé de cours à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako. Il a été joint par Imirana Kilou Maiga :
« De mon point de vue deux défis sont à relever pour ce gouvernement, le premier défi c’est la restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire; le second défi c’est l’organisation dans les meilleurs délais des élections régionales, communales et locales pour parachever le processus électoral.
En principe l’entrée des groupes armés au gouvernement doit accélérer le processus de cette restauration de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire. Etant entendu qu’avant même le remaniement ministériel, il y avait eu déjà un consensus sur la mise en place des autorités intérimaires. Donc, avec la mise en place de ce gouvernement d’union nationale, en principe, si toutes les parties sont de bonne foi, c’est sûr que rien ne s’oppose à l’accélération du processus ».