Pourparlers inter-maliens : fin du 5e round à Alger
De gauche à droite: Mongi Hamdi, représentant du secrétaire général de l'ONU, Abdoulaye Diop, Ramtane Lamamra

Pourparlers inter-maliens : fin du 5e round à Alger

Après trois semaines de travaux et de discussions parfois houleuses, le 5ème round des négociations a pris fin hier. Les délégations organisent progressivement leur retour. Les derniers participants devraient quitter demain la capitale algérienne. Globalement, chacun rentre avec « un sentiment positif » sur l’issue de cette étape des négociations.
Retour sur ce 5ème round avec notre envoyé spécial à Alger, Issa Fakaba Sissoko.

L’atmosphère tendue des premiers jours présageait mal de l’issue des discussions. La communauté internationale porteuse d’un agenda non  négociable était catégorique : « il fallait trouver un accord, et vite ». Au final, un compromis, à l’arrachée a été trouvé, après des jours d’intenses débats marqués parfois par des rebondissements.
Hier, lors de la cérémonie de paraphe du projet d’accord, la coordination des mouvements armés n’a pas accepté d’apporter sa signature tout en précisant, qu’elle ne rejette pas le document . Elle se donne le temps d’expliquer son contenu à sa base. La coordination promet de réagir « dans un bref délais ».
En attendant, la communauté internationale et les autres parties du conflit se félicitent de « l’acte historique » posé hier à Alger. A Bamako, le projet d’accord suscite des débats. Certaines organisations de la société civile et partis politiques rejettent le projet d’accord. Mais le chef de file de la délégation malienne, le ministre Abdoulaye Diop, rassure, selon lui « l’accord préserve les lignes rouges fixées par le président IBK ».
Les délégations rentrent chez elles avec des calendrier divers. Elles doivent se retrouver dans quelques semaines à Bamako pour la signature de l’accord de paix définitif.

La population de Kidal s’est massivement mobilisée pour dire « non » à la signature de la proposition de l’accord de paix d’Alger. Selon différentes sources sur place, la Coordination des Mouvements de l’Azawad aurait refusé de signer les accords d’Alger suite à l’indignation que ces accords ont soulevé dans plusieurs localités du nord .
Attayoub ag Bettaye un habitant de Kidal joint par Intalla ag Bilal
« A Kidal le projet d’accord est totalement rejeté par la population, puisque c’est dans cette circonstance que la population a manifesté depuis avant-hier. Le projet d’accord a été même brulé par la population disant que ce projet d’accord ne répond pas à leurs aspirations et que ce genre d’accord ne calme jamais la situation. Je pense que c’est à cause de ça que la délégation n’a pas pu parapher le document. Puisque la délégation se trouvait sous pressions. D’abord une pression de la médiation internationale qui veut que coûte que coûte que le document soit paraphé à Alger et signé à Bamako, et de l’autre côté, la population qui refuse totalement, qui rejette totalement ce genre d’accord et qui demande le retour immédiat et sans condition de la commission de négociation ».

A Gao, le projet d’accord est perçu comme un bon document de base, puisque le texte écarte l’idée de partition du pays. Beaucoup d’habitants de la région rejettent notamment le terme Azawad, et proposent un référendum pour son acceptation. Aboubakrine Bouhainata, président du conseil des jeunes de Gao joint au téléphone par Imirana Kilou Maiga.
« Nous, nous ne nous reconnaissons pas dans le terme Azawad. Pour qu’on puisse accepter ce terme, il faudra faire un référendum dans un bref délai. On verra que les populations majoritaires du nord du Mali qui sont bien sûr les songhoïs, qui sont victimes, et  n’ont pas de partenaires qui les appuient dans tout ce qu’ils sont en train de faire, alors que l’Europe est en train d’appuyer une petite minorité, une partie des touaregs puisque c’est pas tous les touaregs qui disent que cette zone s’appelle l’Azawad. Quand la coordination dit qu’elle va aller consulter sa base, c’est une technique qu’on connaît maintenant. Elle n’a même pas de populations. Elle n’a qu’à venir à Gao, on verra ce qui va se passer. A Kidal il n’ y a pas plus de cinq mille habitants ».
A l’exception de la région de Gao, celle de Tombouctou adhérerait plus largement à ce projet d’accord de paix en acceptant notamment le terme Azawad. Une grande partie de son opinion pense que cet accord prend en compte ses aspirations. C’est du moins le sentiment exprimé par Almoctar Cissé de la bibliothèque Alhakib de Sankoré joint au téléphone par Imirana Kilou Maiga.
« Nous trouvons que c’est une opportunité de paix. Nous souhaitons vraiment que ça marche cette fois-ci, car c’est dans notre intérêt. Nous ne voulons pas le terme « azawad », mais nous l’acceptons parce que le gouvernement l’a accepté. Nous voulons la paix à Tombouctou. Notre deuxième réaction c’est que à Tombouctou il n’ y a pas de développement, donc si le projet prend en compte le développement de Tombouctou et du nord en général, c’est vraiment notre souhait. A Tombouctou, nous y adhérons, contrairement à Ber à Kidal et ailleurs, où il y a des manifestations. Le pays peut se développer sans eux, mais ce sont des compatriotes et nous comprenons s’ils demandent un peu de temps pour parapher ».

La signature de l’accord d’Alger par la partie Malienne suscite des réactions contrastées à Bamako. Certains sont favorables à cet accord d’autres déplorent la référence à l’Azawad comme une entité culturelle humanitaire.
Ecoutez ces quelques réactions recueillies par Oumar Waïgalo

« Le gouvernement est parti pour ça, parce que le ministre l’a bien dit avant son départ qu’il allait tout faire pour avoir un accord qui va dans l’intérêt supérieur de la nation. Mais je pense que ça doit être un document qui va contribuer à rassembler les maliens plutôt qu’à les diviser, c’est ça le plus important. Si l’intérêt supérieur est préservé dans l’accord, moi je suis pour cet accord.

D’après le médiateur, c’est un accord équilibré et satisfaisant. Mais à mon humble avis, cet accord n’est pas forcement favorable pour le Mali, parce qu’on voit que l’Azawad est reconnu comme entité culturelle et humanitaire. C’est comme une division du Mali qui est programmée.

Ce papier n’est pas clair, le contenu non plus. Et le gouvernement a signé pour seulement faire croire aux maliens qu’il a pu régler ce problème ».

L’opposition malienne n’a pas encore réagi au projet d’accord paraphé hier à Alger par le gouvernement et certains groupes armés. Selon Amadou Goita, président du parti socialiste, les partis de l’opposition devraient se réunir cet après midi pour donner leur position sur cet accord.

Par contre, le collectif des ressortissants du nord met en garde contre la signature d’un accord sur la base de ce document. Pour le COREN, le document paraphé par le gouvernement à Alger recèle les germes de la partition du pays. Le collectif appelle donc les maliens à réagir contre ce document.
Malick Alhousseyni, secrétaire général chargé des droits de l’Homme, joint par Sékou Gadjigo

« Ce projet d’accord qui a été paraphé est la victoire parfaite totale et entière du MNLA, pour la simple raison que dans ce projet d’accord le Mali accepte pour la première fois des négociations dans ce pays, qu’une fiction qui a été inventée en 1990 à savoir le terme Azawad, que c’est une réalité socio-culturelle, mémorielle, symbolique, partagée par une communauté constituant la nation malienne. Cela veut dire que le Mali vient de donner la possibilité au MNLA à travers cette consécration du mot « Azawad », les attributs d’une nation. Par la seule reconnaissance de l’Azawad comme une entité socio-culturelle, mémorielle et symbolique, ce projet d’accord recèle en lui les germes de la partition du Mali ».