Les talibé « oubliés » des rues de Bamako
Enfants d'écoles coraniques

Les talibé « oubliés » des rues de Bamako

On a célébré il y a quelques jours la journée de « l’enfant africain ». La situation de enfants et de leurs droits en Afrique sont souvent relégués au profit d’autres priorités. Parmi les enfants oubliés, beaucoup vivent dans les rues des grandes capitales. À Bamako, près de 6 000 enfants vivent dans la rue. On les appelle les « talibé ».

À Bamako, près de 6 000 enfants vivent sans protection . « Ils sont exposés à tout » explique Zakari Adam, chef du Programme Protection des enfants, au bureau Unicef du Mali. « Ils sont souvent couverts de plaies qui mettent du temps à cicatriser, souffrent de toutes sortes de maladies, sont exposés aux risques de violences, de viol, de prostitution… » Garçons pour la très grande majorité, mais les filles ne sont pas épargnées, ils ont le plus souvent entre 10 et 18 ans et ont fui des violences physiques ou verbales subies dans leur famille, ou à l’école religieuse où des « maîtres » les forcent à mendier et les maltraitent.
Ces enfants des rues sont originaires du Mali à 86%, mais certains viennent d’autres pays de la sous-région d’Afrique de l’Ouest : Leur gagne pain est fait de mendicité, pour la grande majorité. Mais certains font de petits « métiers de rue » : cireur de chaussure, laveur de vitres, porteur de bagages… Les filles, elles, font souvent du petit commerce de fruits et légumes sur les marchés ou les bords de route. la moitié d’entre elles a recours à la prostitution pour survivre. « Aujourd’hui au Mali, le taux net de scolarisation est de 61%. Atteindre 100% permettrait aussi de vaincre le problème des enfants des rues ! » explique Zakari Adam. Si le Samu Social, avec lequel travaille l’Unicef, fait des maraudes dans les rues pour venir en aide aux enfants, l’Unicef de son côté s’attelle à la prévention du phénomène : « Il s’agit de renforcer la capacité d’accueil des écoles existantes, d’améliorer l’offre scolaire en proposant notamment des cycles « réduits » adaptés, qui permettent aux plus grands de rattraper les années de scolarité manquées.
Le Haut conseil islamique salue l’initiative de la mobilisation de la société civile contre le phénomène de la mendicité. C’est ce qu’explique son président, Mouhamoud Dicko, pour qui, l’adoption d’une loi, à l’image du Sénégal, ne va pas résoudre le problème. Le président du Haut conseil islamique, Mouhamoud Dicko, joint par Issa Fakaba Sissoko :
« On peut l’éviter (la mendicité des enfants), c’est une question de volonté. Nous, avons proposé aux autorités de transformer les écoles coraniques en écoles communautaires qui vont être fixées dans les différentes communes du Mali, où les responsables communaux vont avoir un droit de regard sur ces écoles là. S’il le faut, il faut même rémunérer les maîtres coraniques pour leur permettre de rester sur place et de s’occuper mieux des enfants.
Je crois que c’est une question de volonté politique et d’initiative. Il ne s’agit vraiment pas d’avoir des contacts avec certaines ONG ou certains partenaires pour parler de projets, puis d’ateliers et ensuite c’est fini. Ceci est un perpétuel recommencement qui ne peut pas résoudre le problème. Au Mali, en Afrique ou ailleurs, les gens pensent que volonté politique veut dire adopter une loi, faire la répression, interdire aux gens… Ce n’est pas la solution. La volonté politique, c’est aller vers le problème, le diagnostiquer, chercher à savoir l’implication réelle de la société dans ce phénomène. La question des talibés et des écoles coraniques, c’est un problème de société ».